Politique et numérique : de l’agitprop au pouvoir de l’Etat
Par Vincent Giret
En parler, un peu ; y penser, pas vraiment : chez les candidats à la présidentielle, la mutation numérique se prête (au mieux) aux grandes déclamations générales, mais pas, ou pas encore, aux stratégies réfléchies et argumentées. Le continent numérique demeure une « terra incognita » pour nos responsables politiques.
La lecture des ouvrages publiés ces dernières semaines ne nuance pas le propos : Nicolas Sarkozy, François Fillon ou Alain Juppé parlent de tout ou presque, mais ne font qu’effleurer cette transformation qui bouleverse nos modes de vie, dynamite le salariat, bouscule nos entreprises et change nos usages culturels.
Soyons justes et précis, ces prétendants se sont déjà bien équipés dans l’un des domaines très particuliers du numérique : la conquête des électeurs sur la Toile ! Tous ont recruté des jeunes « community managers » ou autres spécialistes, rompus aux techniques américaines les plus sophistiquées de l’agitprop en ligne.
« 100 idées pour une France numérique »
Pour le reste, seul François Fillon avance une liste de neuf propositions, parfois un peu lapidaires, mais toutes consensuelles. Il faut « libérer les énergies » et « accompagner » le développement des plates-formes, « tout en s’assurant de la mise en place de bonnes pratiques favorisant l’équité et la transparence pour tous les acteurs ». Voilà qui ne devrait fâcher ni Uber l’américain ni la compagnie de taxis G7 du président Rousselet.
Faut-il taxer, réguler, interdire, organiser ces nouveaux marchés, supprimer ou garantir quelques vieilles rentes à la peau dure et quelques statuts jalousement défendus, faut-il agir au plan national, s’entendre entre Européens ou même avec les Américains ? Aucune réponse à ce jour, et certains esprits doivent se dire que ce vide sidéral cache peut-être une bonne nouvelle : nos hommes politiques ont renoncé à la toute-puissance de l’Etat, au grand maître régulateur de l’économie.
Une absence de programme vaudrait mieux que des mesures anachroniques ou des coups de menton d’un autre temps. Peut-être… Comme pour faire mentir l’ancienne patronne des patrons italiens, auteure d’une passe d’armes avec Manuel Valls, il y a quinze jours, lors d’un débat du forum de Davos : Emma Marcegaglia, présidente d’un groupe pétrolier, avait osé cette remarque piquante, rapportée par un confrère de La Tribune : « Quand il y a une innovation, les Américains en font un business, les Chinois la copient, et les Européens la réglementent… » Rires dans la salle.
Ne pas étouffer cette économie naissante en voulant l’enrégimenter trop vite face aux conservatismes qu’elle malmène, sans pour autant fermer les yeux : telle est l’ambition d’un think tank spécialiste, l’Institut G9 +, truffé d’anciens élèves des grandes écoles et mobilisé pour nourrir, avant qu’il ne soit trop tard, la réflexion des futurs candidats à la présidentielle. Un livre avec « 100 idées pour une France numérique » est donc sous presse et plusieurs de ces propositions – initiées par des personnalités de la société civile, mêlant grands patrons et start-upeurs – ont été rendues publiques cette semaine.
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Extrait du Livre : "2017 : 100 idées pour une France numérique" Auteur : Institut G9+, coordonné par Luc Bretones Equipe de rédaction : Fabien Astic, Luc Bretones, Didier Carré, Bruno Dumont, Rodolphe Falzerana, Valentine Ferreol, Jean-François Perret, Rémi Prunier, Olivier Trannoy, Jean-François Vermont |