L'ex-premier minitre et candidat à la pimaire pour la présidentielle 2017 Alain Juppé, le président du Medef Pierre Gattaz, la PDG de la Française des Jeux Stéphane Pallez... Le G9+ (fédération d’anciens élèves de grandes écoles) a interrogé 140 influenceurs français sur la manière dont la France devait se saisir de la révolution numérique. Le but : mettre le digital au coeur de la campagne présidentielle de 2017. L'association a retenu 100 propositions, qui seront publiées dans un livre intitulé "2017 : 100 idées pour une France Numérique". En attendant la présentation de cet ouvrage, le 4 février, à l'Assemblée nationale, nous vous livrons cette semaine en exclusivité cinq de ces tribunes. Deuxième épisode avec le texte de Christian Paul, député frondeur PS de la Nièvre, qui militent pour que dans le monde numérique, les bienfaits l’emportent sur les menaces.
"Depuis vingt ans, les technologies numériques modifient en profondeur nos modes de vie. D'abord avec l'ouverture de l'Internet au plus grand nombre et la capacité donnée à chacun d'échanger instantanément avec l'autre extrémité de la planète. Les réseaux qui avaient rendu possible une nouvelle forme de mondialisation financière et une nouvelle répartition de la production à la surface de globe entraient alors progressivement dans la vie quotidienne de la plupart d'entre nous. La course à la vitesse se poursuit. Le déploiement des réseaux de fibre optique sur tout notre territoire, y compris dans les zones isolées encore délaissées, est un enjeu majeur. Mais il n'est plus le seul.
L'impensable est devenu possible
La relative stagnation de la vitesse de transmission des données, jusqu'au déploiement des réseaux fibrés, a coïncidé avec une explosion des capacités de calcul et de stockage. L'impensable – qui ne le reste souvent pas longtemps en informatique – est devenu possible : des parts importantes, voire l'intégralité de nos activités numériques peuvent désormais être mémorisées durablement, et analysé par des algorithmes de plus en plus sophistiqués.
L'ubiquité des réseaux n'est plus une perspective si lointaine. Avec l'irruption de "l'internet des objets", le déploiement de réseaux bas débit permettant de relier virtuellement tous les appareils, ou plus simplement l'usage de masse de l'Internet sur mobile, nous sommes désormais connectés (presque) partout.
Un nouvel âge démocratique
La généralisation du numérique ne se fait pas sans tensions. Les citoyens sont en droit de vouloir de la révolution numérique un nouvel âge démocratique, avec des droits d’accès et de savoir. La plupart des investisseurs privés escomptent évidemment un retour sur leurs importants investissements. Le monde universitaire n'est pas en reste et analyse ces mutations et ces nouveaux usages. Qui l’emportera, des bienfaits ou des menaces ?
La société avance, la politique numérique est par contre à la traîne. Un gouffre de confiance s'élargit sans cesse entre une population de plus en plus rompue aux nouveaux usages dans son quotidien et des choix politiques fonctionnant, pour l'essentiel, avec un logiciel daté. Je l’illustre par trois enjeux majeurs :
1) Le premier chantier prioritaire de toute politique numérique doit être de restaurer la confiance et la maitrise. L'État doit cesser d'être perçu comme le prédateur de nos vies numériques et redevenir son protecteur. Cela passe par un renforcement des moyens de protection de nos données personnelles. La loi Cnil a beaucoup servi, il faut la muscler. Je suis favorable à l'inscription de la protection de la vie privée dans la Constitution.
Je défends également le principe d’autodétermination informationnelle. On est d’abord bien protégé par…soi-même.
2) Cela passe également par la pleine intégration des logiques "de pair à pair" de création et d'échange, généralisées par l'Internet. La réponse politique conserve un train de retard sur les échanges hors marché de biens informationnels, pourtant massifs depuis quinze ans. Le problème se posera avec encore plus d’acuité si le système financier connait un choc "disruptif". Les "bitcoins" ont déjà une valorisation d'environ 4 milliards d'euros et permettent des échanges hors des marchés bancaires et financiers traditionnels, pour le meilleur et pour le pire. Que ferons-nous si la prochaine génération de "crypto-monnaie" allie la décentralisation et la sécurité du bitcoin à la vitesse des systèmes centralisés traditionnels ? Faute d'un consensus, à trouver, nous nous trouverions dans l'incapacité de lever l'impôt, de financer nos protections collectives. Tous nos systèmes de solidarité seraient alors à réinventer. L'État doit inventer avec la société un nouveau modèle de développement et opérer une mue rapide, sous peine de mise en danger radicale.
3) Les biens communs informationnels doivent être co-développés par la puissance publique. Ne lui confions pas une nouvelle forme de contrôle, mais impliquons-la dans leur création et leur protection. À l'heure où presque toutes les grandes "plateformes" sont développées par des acteurs privés, dont beaucoup ont un modèle d'affaire fondé sur le traçage et l'analyse du moindre de nos actes, il est urgent de soutenir activement la création d’œuvres, de logiciels, de matériels, de sites et de tout autre type de bien informationnel participant de notre vie numérique. Cela passe par le financement de leurs créateurs. Cela passe également par une reconnaissance juridique accrue de ces biens communs, par l'extension des "exceptions" aux droits exclusifs ainsi que par la mise en place de mécanismes d'enrichissement volontaire du domaine public.
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Extrait du Livre : "2017 : 100 idées pour une France numérique" Auteur : Institut G9+, coordonné par Luc Bretones Equipe de rédaction : Fabien Astic, Luc Bretones, Didier Carré, Bruno Dumont, Rodolphe Falzerana, Valentine Ferreol, Jean-François Perret, Rémi Prunier, Olivier Trannoy, Jean-François Vermont |
Crédit photo : © Richard Ying - Flickr - C.C